

Le Forum Ă©conomique mondial (WEF), fondĂ© en 1971 par Klaus Schwab, ne se contente pas de rĂ©unir les Ă©lites Ă©conomiques et politiques Ă Davos chaque annĂ©e. Il promeut activement une vision cohĂ©rente, structurĂ©e et idĂ©ologiquement assumĂ©e du monde. Ă travers ses rapports, ses projets, ses rĂ©seaux dâinfluence et son langage technocratique, le WEF propose une architecture de gouvernance mondiale articulĂ©e autour de concepts-clĂ©s comme la "quatriĂšme rĂ©volution industrielle", le "capitalisme des parties prenantes", ou encore la "rĂ©silience systĂ©mique". Mais que cache rĂ©ellement cette vision ? Et dans quelle mesure sâoppose-t-elle aux principes de souverainetĂ©, de pluralisme et de dĂ©mocratie ?

Le modĂšle portĂ© par le WEF repose sur une gouvernance en rĂ©seau, dans laquelle les Ătats perdent leur centralitĂ© au profit de coalitions public-privĂ©, de grandes entreprises technologiques et de fondations mondiales. Le rĂŽle traditionnel des nations est diluĂ© dans une "gouvernance multi-acteurs" oĂč les multinationales dictent lâagenda aux dĂ©cideurs politiques.
Cette vision post-nationale sâappuie sur lâidĂ©e que les grands dĂ©fis â climat, santĂ©, numĂ©rique â doivent ĂȘtre gĂ©rĂ©s globalement, par des experts, des consortiums et des institutions non Ă©lues, car jugĂ©es plus efficaces.

PrĂ©sentĂ© comme une alternative au capitalisme actionnarial, le "stakeholder capitalism" promu par le WEF vise Ă faire des entreprises des acteurs de responsabilitĂ© sociĂ©tale. En thĂ©orie, il sâagit dâintĂ©grer les intĂ©rĂȘts des salariĂ©s, des communautĂ©s et de lâenvironnement dans la stratĂ©gie des firmes.
Mais en pratique, ce modĂšle ne remet jamais en cause la logique de profit, ni la concentration du pouvoir Ă©conomique. Il lĂ©gitime au contraire lâintervention des multinationales dans la dĂ©finition des politiques publiques, tout en offrant une façade Ă©thique aux grandes entreprises.

Lâun des piliers idĂ©ologiques du WEF est la "quatriĂšme rĂ©volution industrielle" : lâintĂ©gration massive de lâintelligence artificielle, des biotechnologies, des objets connectĂ©s et de la blockchain dans tous les secteurs de la vie.
Cette mutation technologique est prĂ©sentĂ©e comme inĂ©vitable et souhaitable. Pourtant, elle soulĂšve des questions majeures sur la vie privĂ©e, la surveillance, la souverainetĂ© numĂ©rique et la dĂ©possession du citoyen. Dans lâunivers promu par le WEF, les individus sont avant tout des nĆuds de donnĂ©es Ă intĂ©grer dans des systĂšmes intelligents, gĂ©rĂ©s par des plateformes privĂ©es globalisĂ©es.

La vision du monde portĂ©e par le Forum Ă©conomique mondial est celle dâun ordre post-politique, technocratique et mondialisĂ©, oĂč les Ă©lites Ă©conomiques dictent les prioritĂ©s sous couvert de responsabilitĂ© collective. Sous des dehors vertueux, cette idĂ©ologie favorise la dĂ©politisation des enjeux fondamentaux et marginalise les citoyens dans les choix qui les concernent. Face Ă cette utopie dâingĂ©nierie globale, il devient crucial de rĂ©affirmer la primautĂ© des nations, le pluralisme dĂ©mocratique et la libertĂ© des peuples Ă dĂ©cider de leur propre avenir. Le monde de demain ne peut ĂȘtre confiĂ© Ă un forum privĂ©, aussi bien financĂ© soit-il.