
Introduction
Fondé au début des années 1970, le Forum économique mondial (WEF) s’est progressivement imposé comme l’un des centres névralgiques de la gouvernance globale. Si ses promoteurs vantent une plateforme dédiée à la coopération internationale, une lecture plus critique révèle un projet aux implications bien plus profondes. Comprendre qui a créé le WEF, et dans quel dessein, permet de décoder les logiques idéologiques et stratégiques qui sous-tendent cette organisation aujourd’hui incontournable.

Le WEF a été fondé en 1971 par l’économiste et ingénieur allemand Klaus Schwab, alors professeur à l’Université de Genève. Issu des milieux technocratiques européens, Schwab s’inscrit dans une tradition de pensée fondée sur la planification, l’expertise technique et la supranationalité. Dès sa création, le forum – alors baptisé « European Management Symposium » – vise à rapprocher les élites économiques du Vieux Continent autour d’un projet de compétitivité globale.
Mais très vite, le projet déborde le cadre européen. En quelques années, Schwab internationalise le forum, y intégrant des chefs d’État, des dirigeants d’ONG, des universitaires influents et surtout les PDG des plus grandes multinationales. Le but affiché : promouvoir une gouvernance multiacteurs capable de répondre aux défis mondiaux. Le but réel : consolider une forme de pouvoir sans légitimité élective, entre les mains d’une élite transnationale.

Dès ses débuts, le WEF ne s’est pas limité à observer les grandes tendances économiques. Il a cherché à les orienter, les anticiper, voire les imposer. Sous couvert de prospective, l’organisation façonne un agenda global où les États sont relégués au second plan, remplacés par des « coalitions de parties prenantes ». Cette approche désintermédie la souveraineté populaire au profit d’accords informels entre entreprises, experts et institutions internationales.
La notion de « capitalisme des parties prenantes », chère à Schwab, illustre cette vision : un modèle où la légitimité ne découle plus du suffrage, mais de la capacité à « influencer » les grandes orientations du monde. Le WEF devient ainsi une plateforme d’ingénierie sociale, économique et technologique. De la quatrième révolution industrielle à la réinitialisation post-Covid, ses initiatives traduisent une ambition de remodeler le réel selon une logique technocratique, souvent déconnectée des aspirations des peuples.

Officiellement, le WEF se présente comme un « forum de dialogue », neutre et indépendant. Mais sa capacité à agréger autour de lui les élites du monde entier lui confère un poids normatif considérable. En influençant les normes ESG, les politiques climatiques, les stratégies de cybersécurité ou encore les protocoles sanitaires mondiaux, il agit en véritable incubateur de gouvernance globale.
Loin d’être un espace de débat ouvert, le forum joue un rôle de filtre idéologique. Ceux qui y participent en sortent alignés sur des narratifs communs, qu’il s’agisse de l’Agenda 2030, de la décarbonation accélérée ou de la numérisation des identités. Cette capacité d’orientation non démocratique fait du WEF une structure d’influence centrale dans la construction d’un ordre post-national.

Il faut rappeler que le WEF est une fondation privée, enregistrée en Suisse, dont les membres sont principalement issus du monde de l’entreprise. Et pourtant, il bénéficie d’un statut consultatif auprès de nombreuses institutions internationales, au premier rang desquelles l’ONU. Par le jeu des partenariats public-privé, il a su devenir un acteur hybride, capable d’influencer sans mandat, de proposer sans rendre de comptes.
Ce paradoxe – une entité privée orientant des décisions publiques à l’échelle mondiale – révèle la nature même du projet de Schwab : déplacer le centre de gravité du pouvoir, du politique vers l’économique, du local vers le global, du peuple vers les élites.

La fondation du Forum économique mondial par Klaus Schwab répondait à une vision précise : celle d’un monde piloté par les sachants, les gestionnaires et les puissances économiques, au détriment des structures démocratiques classiques. Sous des apparences de neutralité et de dialogue, le WEF constitue en réalité une architecture de gouvernance parallèle, légitimée par ses connexions plutôt que par le suffrage.
À l’heure où les décisions se prennent de plus en plus hors des parlements, l’analyse des origines du WEF permet de mieux comprendre les dynamiques de dépossession politique à l’œuvre. Il ne s’agit plus seulement d’économie mondiale, mais bien de souveraineté, de légitimité et de résistance à une gouvernance sans peuple.