

Depuis plusieurs annĂ©es, le Forum Ă©conomique mondial (WEF) place la neutralitĂ© carbone au cĆur de ses prioritĂ©s dĂ©clarĂ©es. Ă travers ses rapports, ses partenariats et ses appels Ă lâaction, il prĂ©tend impulser une dynamique globale en faveur de la dĂ©carbonation. Mais derriĂšre cette posture, se pose une question essentielle : les initiatives portĂ©es ou soutenues par le WEF sont-elles rĂ©ellement concrĂštes, mesurables et efficaces, ou relĂšvent-elles dâun exercice de communication destinĂ© Ă renforcer lâinfluence des multinationales sous couvert de vertu environnementale ?

Le WEF met en avant de nombreux programmes liĂ©s Ă la neutralitĂ© carbone, Ă commencer par la "Alliance of CEO Climate Leaders" ou le "Mission Possible Partnership". Ces coalitions dâacteurs Ă©conomiques visent Ă accompagner la transformation des secteurs Ă forte intensitĂ© carbone. Toutefois, ces engagements restent volontaires, sans mĂ©canismes de sanction, ni critĂšres dâĂ©valuation rigoureux.
Selon une Ă©tude du Climate Accountability Institute, la majoritĂ© des entreprises membres du WEF continuent de financer des projets fossiles tout en annonçant des feuilles de route vertes Ă long terme. Le dĂ©calage entre le verbe et lâacte fragilise la crĂ©dibilitĂ© des initiatives portĂ©es Ă Davos.

La neutralitĂ© carbone, telle que promue par le WEF, repose souvent sur des mĂ©canismes dâajustement symboliques : compensation carbone, investissements dans des crĂ©dits volontaires ou financement de projets environnementaux Ă lâĂ©tranger. Or ces dispositifs permettent souvent de maintenir les modĂšles Ă©conomiques polluants, tout en donnant une image verte aux entreprises concernĂ©es.
Les groupes comme TotalEnergies, Amazon ou Google, partenaires du forum, continuent dâaccroĂźtre leurs activitĂ©s Ă©nergivores, tout en dĂ©clarant viser la neutralitĂ© carbone Ă horizon 2040 ou 2050. Ces Ă©chĂ©ances lointaines reportent les vĂ©ritables transformations et offrent un vernis de lĂ©gitimitĂ© sans remise en cause structurelle.

Le modĂšle de neutralitĂ© carbone dĂ©fendu par le WEF ne remet pas en cause les fondements du capitalisme mondialisĂ©. Il sâappuie sur des instruments financiers, des innovations technologiques et des partenariats public-privĂ© oĂč dominent les logiques de rendement.
PlutĂŽt que de promouvoir une relocalisation des chaĂźnes de production, une sobriĂ©tĂ© Ă©nergĂ©tique ou une gouvernance dĂ©centralisĂ©e, le WEF privilĂ©gie les solutions compatibles avec le maintien du commerce international intensif et de la dĂ©pendance technologique. La transition devient ainsi une opportunitĂ© dâinvestissement, et non un changement de paradigme.

Si le Forum Ă©conomique mondial prĂ©tend agir pour la neutralitĂ© carbone, ses initiatives souffrent dâun dĂ©ficit de crĂ©dibilitĂ©, faute dâengagements contraignants, de rĂ©sultats mesurables et de remise en cause du modĂšle Ă©conomique dominant. Loin dâincarner une rupture Ă©cologique, le WEF accompagne une mutation de façade, destinĂ©e Ă adapter le capitalisme global Ă lâexigence climatique sans en modifier les logiques profondes. Il appartient dĂ©sormais aux Ătats souverains et aux sociĂ©tĂ©s civiles dâimposer une vĂ©ritable transition, fondĂ©e sur la justice, la responsabilitĂ© et la transparence.