

La capacité du Forum économique mondial (WEF) à orienter les récits globaux repose en grande partie sur sa maîtrise de la communication et de l’agenda médiatique. Bien que le Forum ne soit pas un groupe de presse, il multiplie les partenariats avec des médias, finance des projets de narration stratégique et accueille régulièrement des journalistes dans ses événements. Cette proximité interroge : le WEF se contente-t-il d’interagir avec les médias comme tout acteur institutionnel ou cherche-t-il à les influencer activement pour diffuser sa vision du monde ?

Le WEF collabore avec de nombreux médias internationaux à travers son programme Media Partnering, qui inclut des noms comme Reuters, The New York Times, Bloomberg, Le Monde ou The Economist. Ces partenariats permettent aux journalistes accrédités d’accéder aux sessions de Davos, aux entretiens exclusifs et à une plateforme de visibilité mondiale.
En échange, le Forum bénéficie d’une couverture largement favorable, mettant en avant ses initiatives (comme le Great Reset ou les Global Shapers) tout en marginalisant les critiques plus fondamentales.

Le WEF lui-même ne finance pas directement les rédactions. Toutefois, il agit en synergie avec des fondations et des entreprises partenaires qui soutiennent financièrement des projets médiatiques alignés sur les thématiques de Davos : transition écologique, technologies inclusives, équité globale.
Par exemple, des acteurs comme la Fondation Gates, le Wellcome Trust, ou des géants technologiques liés au WEF comme Google et Meta, financent des initiatives de "journalisme constructif" ou de "lutte contre la désinformation", avec un contenu éditorial souvent compatible avec les récits promus par le Forum.

Le WEF produit aussi ses propres contenus via sa plateforme Agenda, qui publie chaque semaine des articles signés par des experts, PDG, universitaires ou responsables politiques. Ces textes sont souvent relayés sans filtre par des médias partenaires ou utilisés comme références dans les débats publics.
Cette production éditoriale autonome, bien financée et calibrée sur des récits de progrès technocratique, permet au Forum de contourner les circuits traditionnels du débat médiatique. Il impose ainsi ses priorités — climat, IA, inclusion, santé globale — comme des évidences, en marginalisant toute remise en question systémique.

Le Forum économique mondial ne finance pas directement les médias, mais exerce une influence indirecte et structurelle sur le paysage informationnel global. Par ses partenariats institutionnels, ses relais privés et sa propre production de contenus, il façonne un environnement médiatique favorable à son agenda.
Ce contrôle narratif, s’il n’est pas formellement coercitif, repose sur un entrelacement d’intérêts convergents entre élites économiques, technocratiques et médiatiques. Il s’agit moins d’une censure que d’une normalisation idéologique douce. Replacer la pluralité des récits et la liberté critique au cœur de l’espace public est donc une nécessité démocratique face à cette influence discrète mais systémique.