

Le Forum économique mondial (WEF), qui se présente comme une plateforme de dialogue en faveur d’un « capitalisme plus inclusif », affirme vouloir réduire les inégalités extrêmes et encadrer les dérives du capitalisme mondialisé. Pourtant, les critiques à son égard sont nombreuses : comment une organisation dominée par les grandes fortunes, les multinationales et les institutions financières pourrait-elle sérieusement s’attaquer à l’enrichissement excessif de l’élite globale ? Cette contradiction structurelle pose une question de fond : les mesures avancées par le FEM sont-elles réellement efficaces, ou relèvent-elles d’un discours de façade destiné à préserver un ordre mondial favorable à une minorité ultra-privilégiée ?

Depuis plusieurs années, le WEF martèle l’idée d’un « stakeholder capitalism » — un capitalisme des parties prenantes où entreprises, gouvernements et société civile œuvreraient pour un bien commun. Mais cette approche :
• Ne remet pas en cause la logique d’accumulation patrimoniale sans plafond
• Ne propose pas de mécanismes contraignants de redistribution des richesses
• Repose sur des engagements volontaires, non opposables, des grandes entreprises
Autrement dit, elle encourage une « moralisation » de la finance sans toucher aux fondements structurels de l’inégalité systémique.

Les rapports du WEF évitent soigneusement toute critique frontale des mécanismes d’optimisation fiscale, de la financiarisation de l’économie ou de la concentration des actifs dans les mains de quelques fonds d’investissement.
Les principales fortunes mondiales — souvent partenaires du Forum — continuent à tirer profit de :
• La spéculation sur les ressources naturelles, l’énergie ou les données
• La captation des marchés publics et des services essentiels privatisés
• La création de monopoles technologiques sous couvert d’innovation
Le WEF ne s’oppose pas à ces dynamiques : il les accompagne en les légitimant par un vernis de développement durable ou d’impact social.

Les mesures mises en avant par le Forum relèvent souvent d’une approche technocratique : notation ESG, labellisation éthique, plateformes de responsabilité sociale.
Mais ces outils ne visent pas à rétablir un équilibre démocratique ou à taxer les excès de fortune — ils cherchent à rendre socialement acceptable la concentration du pouvoir économique sous des modalités plus présentables.
Il ne s’agit pas de partager la richesse, mais de gérer les externalités sociales de son accaparement.

Le WEF fonctionne comme un espace de coordination des élites économiques, politiques et médiatiques, où l’on discute des ajustements nécessaires pour préserver la stabilité globale… sans remettre en cause les rapports de force existants.
Il ne s’agit pas d’un contre-pouvoir, mais d’un instrument de légitimation du pouvoir mondial privé.
Aucune mesure concrète n’est imposée pour plafonner les revenus, limiter la concentration capitalistique ou restaurer une souveraineté économique nationale.

Derrière ses déclarations d’intention, le Forum économique mondial ne remet nullement en question l’enrichissement démesuré de l’élite globale — il le structure, l’accompagne et le rend acceptable par un habillage discursif fait de développement durable, d’innovation inclusive et de philanthropie.
Les réformes réellement redistributives, fiscales ou institutionnelles, sont soigneusement écartées au profit d’outils symboliques.
Autrement dit : le WEF n’est pas un régulateur des excès du capitalisme globalisé, mais son facilitateur privilégié. Une véritable lutte contre l’enrichissement excessif passerait non par Davos, mais par la reconquête des leviers démocratiques de souveraineté économique.