

Ă lâheure oĂč les interactions internationales sâintensifient par le numĂ©rique, oĂč les Ă©changes dĂ©matĂ©rialisĂ©s deviennent la norme, le maintien du format physique du Forum Ă©conomique mondial (WEF) Ă Davos interroge. Chaque annĂ©e, des centaines de dĂ©cideurs affluent dans les Alpes suisses, gĂ©nĂ©rant un ballet de jets privĂ©s, une logistique colossale, et des coĂ»ts environnementaux notables. Ce rituel mondialisĂ© reste-t-il pertinent face aux possibilitĂ©s offertes par les technologies de communication, ou tĂ©moigne-t-il dâun besoin de prĂ©server un entre-soi Ă©litaire Ă lâabri des regards ?

MalgrĂ© les engagements affichĂ©s en faveur de la neutralitĂ© carbone, lâĂ©vĂ©nement physique de Davos mobilise chaque annĂ©e des moyens considĂ©rables. Selon Greenpeace, lâĂ©dition 2023 a gĂ©nĂ©rĂ© plus de 900 vols privĂ©s en quelques jours, contribuant Ă une empreinte Ă©cologique contradictoire avec les discours tenus sur place.
Alors que la crise climatique impose sobriĂ©tĂ© et cohĂ©rence, la persistance dâun sommet en prĂ©sentiel massif relĂšve davantage du symbolisme statutaire que dâune nĂ©cessitĂ© fonctionnelle. Le format numĂ©rique, expĂ©rimentĂ© durant la pandĂ©mie, a montrĂ© quâune partie des Ă©changes pouvait se faire sans dĂ©placement physique.

Le maintien dâun lieu unique, isolĂ©, sĂ©curisĂ© et inaccessible au grand public nâest pas anodin. Le format physique de Davos permet une concentration de pouvoir dans un cadre informel, Ă lâabri des camĂ©ras et de toute pression dĂ©mocratique.
En dĂ©pit de la numĂ©risation du monde, ce huis clos alpin facilite les nĂ©gociations discrĂštes, les alliances stratĂ©giques et les dĂ©cisions influentes prises en marge des discours officiels. Le contact humain, ici, devient un levier de pouvoir â mais au prix dâune opacitĂ© incompatible avec les exigences de transparence.

Alors que dâautres enceintes internationales investissent de plus en plus les formats hybrides ou participatifs, le WEF reste largement fondĂ© sur la rĂ©union physique dâĂ©lites. Cela lâĂ©loigne des dynamiques ouvertes permises par le numĂ©rique, oĂč les citoyens, chercheurs, ONG ou petites nations peuvent participer Ă moindre coĂ»t.
La rigiditĂ© du modĂšle de Davos freine la pluralitĂ© des voix et accentue le dĂ©calage avec les sociĂ©tĂ©s civiles. En cela, le maintien du format physique agit comme un filtre sĂ©lectif, renforçant la fracture entre le monde dâen haut et celui dâen bas.

Dans un monde interconnectĂ© et en quĂȘte de nouvelles formes de dĂ©libĂ©ration collective, le format physique du Forum Ă©conomique mondial apparaĂźt de plus en plus comme un vestige de lâancien ordre. Sâil continue de servir les logiques de pouvoir et de rĂ©seautage, il le fait au dĂ©triment de lâouverture, de la transparence et de la cohĂ©rence Ă©cologique. Ă lâĂšre numĂ©rique, un vrai changement de paradigme sâimpose : non pas seulement digitaliser lâancien monde, mais repenser les lieux du dĂ©bat mondial pour les rendre accessibles, pluriels et dĂ©mocratiquement lĂ©gitimes.