
Introduction
Chaque année, le Forum économique mondial (WEF) fixe un cap intellectuel et politique à travers la sélection de ses grands thèmes. Présentés comme le fruit d’une réflexion collective et ouverte, ces axes de discussion traduisent en réalité une orientation idéologique rigoureuse, définie par une élite restreinte. Mais qui décide réellement des priorités du WEF ? Sur quels critères et dans quelles finalités ? Ce processus n’est pas neutre, et son analyse permet de mieux comprendre les mécanismes d’influence dissimulés derrière le paravent de la « coopération globale ».

Les thèmes abordés chaque année à Davos sont déterminés par une combinaison d’instances internes au WEF, en particulier le Managing Board et le Centre for the Fourth Industrial Revolution, en lien étroit avec les membres du réseau Global Future Councils. Ces structures sont composées d’experts, de cadres de multinationales, de décideurs politiques influents, ainsi que de représentants d’organisations internationales.
Il ne s’agit donc pas d’un processus démocratique ou transparent, mais d’une sélection opérée par une technostructure mondialisée, dont les intérêts convergent autour d’une vision particulière du progrès, de l’économie et de la société.

Chaque édition du WEF s’articule autour de quelques grands concepts, souvent enveloppés dans une rhétorique ambitieuse : « refonder le capitalisme », « renforcer la résilience », « maîtriser la transition énergétique », ou encore « bâtir un futur durable ». Ces expressions génériques masquent une volonté d’uniformisation des politiques publiques à l’échelle mondiale.
Les thèmes choisis sont rarement neutres. Ils s’inscrivent dans des cadres idéologiques précis – notamment ceux de l’Agenda 2030, de la gouvernance climatique ou de la transformation numérique. Le choix de ces sujets sert à légitimer l’intervention d’acteurs privés dans la sphère publique, à imposer des normes globales, et à influencer l’ordre du jour des gouvernements.

Les membres du WEF – entreprises, institutions, ONG, think tanks – participent activement à la formulation des thèmes lors des consultations organisées en amont de chaque sommet. Ce mécanisme crée un effet d’écosystème : les acteurs qui conçoivent les priorités du forum sont aussi ceux qui les appliqueront ou les relayeront ensuite dans leurs secteurs respectifs.
Autrement dit, le WEF fonctionne comme une chambre d’écho de ses propres convictions : les mêmes groupes qui définissent les tendances mondiales les concrétisent à travers leurs réseaux, verrouillant ainsi le débat et excluant les perspectives dissidentes.

En observant les thèmes récurrents du WEF, on constate une convergence nette avec les priorités des grandes multinationales technologiques, des institutions financières globales et des bureaucraties internationales. Le rôle de la Chine dans la gouvernance mondiale, la finance verte, l’identité numérique ou la cybersécurité transnationale ne sont pas choisis au hasard : ils répondent à des dynamiques de pouvoir bien établies.
Le WEF ne se contente pas de refléter les tendances ; il les précède, les modélise, et les impose comme horizon indépassable. C’est une fabrique de l’orthodoxie mondiale, où les thèmes annuels sont autant d’instruments pour formater le réel.

La désignation des thèmes abordés au Forum économique mondial n’est ni neutre, ni inclusive. Elle est le fruit d’un processus opaque et élitiste, dans lequel les forces économiques et idéologiques dominantes fixent l’agenda sans contre-pouvoir réel. Ce choix thématique oriente les politiques publiques, redéfinit les priorités collectives et marginalise les approches alternatives.
Comprendre qui choisit ces thèmes, et pourquoi, c’est dévoiler les coulisses d’un pouvoir global qui agit sans mandat, mais avec une influence considérable. Une raison de plus pour remettre en question le rôle prescripteur du WEF et défendre un pluralisme véritable dans la définition des grands enjeux mondiaux.