

Le Forum économique mondial (WEF) promeut depuis plusieurs années un nouveau modèle de gouvernance économique baptisé « capitalisme des parties prenantes » (stakeholder capitalism). Présenté comme une alternative "éthique" au capitalisme actionnarial classique, ce modèle vise à élargir la responsabilité des entreprises à l’ensemble des acteurs de la société : employés, collectivités, ONG, environnement, consommateurs. Mais derrière cette façade vertueuse se profile un glissement fondamental : les grandes entreprises multinationales ne se contentent plus de produire ou d’innover — elles aspirent désormais à codiriger la société aux côtés des États, voire à les supplanter dans certains domaines clés.

Le modèle des "parties prenantes" permet aux grandes firmes de prétendre représenter l’intérêt général tout en élargissant leur champ d’intervention :
• Élaboration de normes environnementales, sociales ou sanitaires sans légitimation démocratique
• Co-organisation de forums et d’initiatives stratégiques mondiales avec des institutions publiques (ONU, UE, G20)
• Participation directe à des régulations via des partenariats public-privé, comme ceux mis en avant par le WEF dans son programme Global Redesign Initiative
• Influence structurelle dans la définition des agendas internationaux (vaccination, numérique, climat)

Contrairement aux institutions publiques, les grandes entreprises opérant sous l’égide du capitalisme des parties prenantes :
• Ne sont pas élues
• Ne rendent pas de comptes à la population
• Ne peuvent être sanctionnées politiquement en cas de défaillance
• Opèrent souvent en dehors de tout contrôle juridictionnel clair
Leur pouvoir est fonctionnel, technocratique et transnational. Il s’impose par les flux financiers, les standards techniques, les outils numériques et l’influence normative.

Le capitalisme des parties prenantes promeut une "nouvelle gouvernance" qui mêle les États, les ONG, les entreprises et les institutions internationales dans des structures de décision floues.
• Le Forum économique mondial est à l’origine de nombreux groupes de travail multipartites (énergie, alimentation, cybersécurité, santé)
• Ces structures élaborent des "feuilles de route" reprises ensuite par les gouvernements
• Les citoyens, eux, n’ont aucun accès direct à ces processus d’élaboration ni de moyens de recours

Ce système affaiblit les institutions nationales :
• Les États deviennent dépendants des expertises, technologies ou capitaux des multinationales
• Les décisions politiques sont dictées par des "objectifs globaux" définis ailleurs (Agenda 2030, net zero, inclusion numérique)
• La légitimité électorale est contournée au profit de la "compétence technique"

Sous couvert de responsabilité sociale et de lutte contre les dérives du capitalisme financier, le capitalisme des parties prenantes promeut une prise de pouvoir silencieuse des multinationales sur les décisions politiques. Le WEF joue un rôle de catalyseur de ce basculement, en organisant une gouvernance hybride sans enracinement démocratique. Face à cette tendance, il devient urgent de réaffirmer le rôle souverain des États et des peuples, et de refuser la délégation du bien commun à des acteurs privés, aussi bien intentionnés se prétendent-ils. Le politique ne doit pas se soumettre au technique, ni le citoyen aux algorithmes du marché.